vendredi 2 juillet 2010

L'été qui est ici

Près d'un an que j'ai débuté le blogue. Plus de 175 entrées. J'en ai effacé quelques unes ici et là. Celles que je relisais le lendemain et qui n'avaient plus de sens, celles qui n'étaient qu'un ramassis d'émotions sur le moment. Celles où les mots s'apitoyaient.

Juillet a débuté hier. À pareille date l'an dernier, j'étais dans la magnifique, oh combien magnifique, région de Banff. Le 2 juillet, avec deux gars, un ami et son ami à lui, nous sommes monté dans une petite Tercel rouillée sans air climatisé et nous nous sommes tapé des heures de route sur un chemin trop grandiose pour être vrai. Le Icefield Parkway. Nous sommes allés jusqu'à Jasper. Plusieurs arrêts en route, des randonnées ici et là, rien de trop long ou de trop difficile. Parce que, bien sûr, j'avais eu la brillante idée de me tordre le genou en sortant ma valise du compartiment à bagages de mon avion...

Un voyage superbe... un régal pour les yeux, pour les oreilles. Pour la peau qui sent la fraîcheur de l'air des montagnes. Pour les poumons qui respirent un air qui ne ressemble en rien à celui que je respire tous les jours.

Un voyage superbe avec le coeur lourd. Lourd de voir un ami qui n'allait pas très fort, lourd de pressentir mon amoureux qui disparaissait tout doucement.

Mon retour à la maison fût brutal. Tout s'est effondré en même temps. J'ai passé l'été à pleurer. D'abord, le silence de mon amoureux, son absence, un coup de poing en plein ventre... Le souffle coupé de ne même pas mériter le respect d'une explication. Je me suis battue pour en avoir une... je n'en ai jamais eue.

Puis, le tapis qu'on me tire de sous les pieds. Une fenêtre qu'on ouvre pour me montrer l'avenir de mon fils... Les défis qui l'attendaient. J'ai eu peur qu'il soit marginalisé, qu'on le mette dans une catégorie à part, qu'il en souffre.

Et j'ai eu peur d'être inadéquate. De ne pas être une bonne mère. J'ai cru un ex-mari qui me disait que c'était moi qui faisais tout tout croche. Je l'ai cru... enfin, ma tête n'y croyait pas, mais mon coeur oui.

Et la solitude s'est imposée. Elle a jeté sur moi une ombre noire, humide et froide. Moi, qui avais pourtant passé des années de solitude sans trop en souffrir, j'en avais peur. Tout ces mois passés avec quelqu'un à mes côtés, quelqu'un qui me comprenait et qui m'écoutait. Quelqu'un qui avait toujours trouvé les mots justes pour m'apaiser. Quelqu'un avec qui je vibrais de vie, de bonheur. Quelqu'un qui était pour moi. Son absence me pesait. Ma propre présence encore plus. Je dois avouer que certains soirs, la vision de ma voiture qui s'écrasait dans des eaux noires venait me hanter. Seule la pensée de mon fils empêchait la vision de me tenter...

Puis une soirée de la fin août. Une soirée dans une petite pizzeria avec mon amie Sylvie. Elle allait bien. Elle voulait me présenter quelqu'un, mais ne croyait pas que j'étais prête. Elle avait raison. La conversation a dérapé. Nous avons parlé de dépression, elle qui en souffrait depuis si longtemps. Elle m'a parlé de l'attrait de la mort... Je lui ai avoué ma vision. Je me suis sentie mieux.

Et soudain, Sylvie qui débarque chez moi au milieu de l'après-midi. C'est la fête du travail. Son mari la quitte. Elle pleure, elle est dépassée, ne sait pas quoi faire. Elle me demande si quand moi j'ai décidé de quitter mon mari, si j'aurais pu changer d'idée. Non, que je lui ai répondu. Cette décision était tellement difficile à prendre que quand je l'ai annoncé, elle était irrévocable.

Deux jours plus tard, j'apprends par hasard qu'elle est morte. En quittant ma maison, elle a décidé que c'était fini. Elle était morte 10 heures plus tard.

Un courriel à mon ancien amoureux. J'avais tellement besoin de lui... Une réponse qui me dit de ne plus le déranger... qu'une amitié entre nous est impossible.

Le pilote-automatique ensuite. Je ne sais pas comment j'ai fait, mais pendant 4 semaines peut-être, je n'ai pas dormi plus de deux heures par nuit. Je travaillais, mais ça s'arrêtait là. Et j'ai fini par craquer. Un matin d'octobre dans mon bureau. Assise devant l'ordinateur, je regardais les courriels, j'entendais le téléphone qui sonnait, mais n'arrivais plus à répondre. Je suis partie. Chez mon médecin.

Deux semaines de repos. Des pilules pour dormir. Un thérapeute. Ce blogue.

C'est le 2 juillet que tout a commencé. Un an plus tard. Je vais beaucoup mieux. Je suis, je crois, enfin guérie de cet amour qui n'en finissait plus de me blesser. Je ne me réveille plus la nuit en pensant à mon amie Sylvie. Je n'ai plus peur pour mon fils... enfin, pas comme l'année dernière.

Mais je n'arrive pas à ne plus être en colère. Mon thérapeute m'a dit que je ne me donnais pas le droit d'être fâchée. Je passe mon temps à trouver une excuse pour les autres, à me mettre à leur place, à tenter de comprendre leurs intentions. Sauf que je ressens les blessures... et je ne me donne pas le droit de me fâcher.

J'aurais le goût de brasser mon amie Sylvie. De la frapper bien fort sur chaque joue, de lui dire : Réveille! Regarde ce que tu jettes! Regarde ce que tu laisses à ta famille! Tu n'aimes pas tes enfants? Comment peux-tu leur faire ça? Comment peux-tu me faire ça? Tu es venue me voir pour que je te console et tu pars et tu fais ça! Tu me dis, Désolée Stéphanie, ce n'était pas assez...

J'aurais le goût de crier à l'ancien amoureux. J'aurais le goût de me fâcher contre lui. Comment as-tu pu me manquer de respect à ce point? Comment peux-tu faire comme s'il n'y avait jamais rien eu entre nous, comme si nous n'avions jamais existé? Comment peux-tu être aussi lâche? Toi qui es pourtant un homme de principes, un homme de responsabilités. Les principes ne sont pas assez bons pour moi? Comment as-tu pu cracher sur moi alors que j'avais si désespérément besoin de toi? La seule fois où j'ai eu besoin, vraiment besoin de toi?

...

Les choses ont changé depuis l'an dernier. Beaucoup. Je me suis relevée. Je sais que j'en suis capable. Mais je sais aussi que je suis capable de m'effondrer. Et cette peur de trébucher ne m'a pas encore quittée, je doute qu'elle ne me quitte jamais. J'ai développé une méfiance envers les hommes. Je ne m'abandonne pas. Je n'avais pas peur avant. Je ne savais pas qu'un homme pouvait être si difficile à oublier.

Plus que tout, je me répète que je suis capable de me relever. La solitude ne me fait plus peur cet été.

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