jeudi 23 septembre 2010

Le coeur à l'envers

Quelqu'un m'a dit aujourd'hui que je n'avais pas l'air dans mon assiette. Tout cette histoire avec ma sauterelle lundi, c'est venu me chercher je crois.

Je sais ce que c'est que d'être victime d'intimidation. Dès la quatrième année, je devais donner pratiquement tout mon lunch, sauf le sandwich, à des "amies". Amies qui, soit dit en passant, ne m'adressaient pas la parole sauf pour me dire quoi faire. Et chaque midi, ça ne manquait jamais, je faisais quelque chose qui déplaisait à l'une d'elle. Anik qu'elle s'appelait. Elle était grande et costaude. J'étais maigre et petite. Elle me poussait dans la clôture de broche, elle me donnait des coups de pieds sur les tibias.

Où étaient les enseignants ou les surveillants? Je n'en ai aucune idée. Aucune de ces filles n'a jamais été punie. Je n'en ai jamais non plus parlé à mes parents? Pourquoi? Je ne sais pas trop, j'imagine que je croyais mériter ce châtiment. Ou encore j'avais peur que plus personne n'accepte de me parler.

Ça s'est poursuivi tout le primaire. Au secondaire, lors de la première semaine, une fille m'a dit de l'attendre après l'école. Elle voulait me réarranger la face. Je me souviendrai toujours de ses mots.

Cette fois-là, j'ai décidé de ne pas me laisser faire. J'ai pris mon sac d'école et je l'ai rempli avec tous mes manuels, français, mathématiques, anglais, géographie et à la sortie de l'école, je lui ai balancé le sac en plein visage. Plus jamais personne n'a tenté de me "réarranger la face" par la suite.

Mais l'intimidation ne s'est pas arrêté là. J'étais nounoune peut-être. Mais je me suis mise à faire les devoirs de tout le monde. Pendant les examens de français, quatre ou cinq élèves glissaient leur examen dans le dictionnaire. Il n'y avait pas assez de dictionnaires pour tout le monde alors tôt ou tard, ce dernier aboutissait sur mon bureau et je corrigeais les copies. J'ai fait ça pendant deux ans...

En secondaire 3, j'en ai eu assez. Je ne sais pas quel a été le déclic, mais j'ai préféré manger toute seule à la cafétéria que de me faire niaiser. L'école secondaire n'a fait que s'améliorer après ce jour-là.

Ces expériences m'ont marquées. J'ai toujours peur d'être l'exclue dans un groupe, de ne pas "fitter". J'essaie trop pour compenser ma peur. Quand on ne m'invite pas à une soirée, j'ai toujours l'impression que j'ai fait quelque chose qui a déplu. Je ne sais pas si ça s'efface un jour ce genre de trace. J'ai l'impression qu'il y aura toujours une partie de moi qui manquera de confiance en elle.

Et aujourd'hui, vingt-cinq ans plus tard, je vois mon fils qui vit les mêmes choses. Je voudrais tellement le préserver de ce genre d'expériences. Il doit déjà faire face à tant de choses... pourquoi doit-il faire face à ça aussi?

Je n'ai pas le goût de tout casser. J'ai juste tellement de peine.

J'ai parlé avec la responsable du service de garde. J'ai tenté de parler à son enseignante, on n'a réussi qu'à se laisser messages après messages sur les boites vocales et dans l'agenda. Mais elle a agi. Les enfants ont été punis.

Mais je ne pense pas que c'est assez. Ils doivent en discuter davantage à l'école. En parler en classe et au service de garde. Les enfants doivent savoir ce que c'est, ils doivent apprendre des stratégies. Je crois vraiment que plus on en parle, mieux ce sera.

J'ai le coeur brisé de savoir qu'il doit vivre ça. C'est tellement un bon petit garçon...

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