dimanche 29 avril 2012

Hip Hop la panique

Ils apprennent depuis septembre.  Tous les dimanches en début de soirée, à l'heure où normalement ils mangent, ils enfilent espadrilles et dansent.  Ils ont entre 8 et 10 ans.  Depuis quelques semaines, il pratiquent leurs deux routines.  Mercredi, c'était la générale pour leur groupe uniquement.  Et hier après-midi, tous les danseurs, majorettes et cheerleaders ont pratiqué routine, enchaînements, changements de costumes sur la scène du Cégep de l'Outaouais.

Ma sauterelle avait très hâte.  Depuis une semaine, il comptait les jours.  Ce n'est pas un grand danseur, mais il s'amuse et c'est ce qui est important.  Aucune trace de nervosité, juste l'excitation de faire un spectacle et d'être applaudi. 

La pratique générale s'est avérée épuisante.  Pour être certaine qu'il serait encore capable de se concentrer pour le spectacle à 19h30, je lui ai donné son biphentin à 11 heures.  J'ai triché un peu.  À 16h30 quand je suis allée le chercher, c'était évident qu'il était fatigué.  Il s'est couché sur la banquette du restaurant.  Il s'est mis à parler du temps qu'il devrait passer en coulisses, sans faire de bruit et ça l'inquiétait. 

C'est vêtu de sa veste à capuchon jaune fluo, son bandana orange lui serrant la tête et armé d'un livre et d'un recueil de mots cachés qu'il a pénétré la grande salle un peu avant 19 heures alors que j'attendais en ligne avec tous les autres parents et membres de la famille venus voir le spectacle à guichet fermé.  Il était excité, la fatigue semblait avoir disparu. 

Son groupe donnait deux numéros, les troisième et dixième de la vingtaine de routines présentées. 

Il était là, tout en avant.  Je ne sais pas si les spots accentuaient son allure élancée, mais je trouvais qu'il avait l'air grand, et maigre.  J'ai vu son regard qui scrutait la foule à ma recherche.  Je n'étais pas dans les premières rangées, impossible pour lui de me voir.  Il a raté quelques pas au début puis il s'est repris.  Il m'a dit après que son amie à côté de lui n'a pas arrêté de lui dire qu'il était mauvais et pas bon tout le long du spectacle.

Pour la deuxième danse, ils avaient tous de petits bracelets lumineux.  C'est tout ce qu'on voyait au début puis les spots se sont allumés.  Ça semblait aller mieux cette fois. 

Nous l'avons revu à la finale alors que son groupe dansait dans les allées.  Il était vis à vis de notre rangée, mais il ne me voyait pas.  Il avait l'air content.  Et c'était la fin du spectacle.  On nous a demandé de sortir et d'attendre nos enfants à l'extérieur de l'auditorium. 

Il n'a pas mis de temps à sortir accompagné de son professeur.  Mais au lieu de l'accueillir en le félicitant, c'est en séchant ses larmes que j'ai dû le faire.  Il respirait trop vite, il était fatigué.  Il a eu peur de ne pas me retrouver au milieu de la foule.  Il s'est relativement calmé, il a embrassé ma mère et mon père, ma soeur et mon beau-frère, puis ses cousines (qui faisaient aussi partie du spectacle, mais de cheerleading).  Mais il était collé à moi, il voulait partir; ce qu'on s'est dépêché à faire. 

Dès que nous avons passé les portes du cégep, il s'est remis à pleurer.  Plus fort, à gros sanglots.  Il avait de la difficulté à reprendre son souffle et il n'a pas arrêté tout le long du trajet entre le cégep et ma maison (heureusement que ce n'est pas loin).  Ça a duré une bonne heure après notre arrivée à la maison jusqu'à ce qu'il s'endorme d'épuisement dans mes bras. 

Entre deux sanglots, il m'a dit qu'il avait eu peur quand il était monté sur scène et qu'il avait vu tout le monde.  Il est devenu très stressé très vite, mais il a continué, comme un robot.  Il s'est senti pris au piège et le sentiment a duré une heure trente.  Il a voulu se calmer entre les performances, s'isoler, retrouver son calme, mais il n'y avait nulle part où aller, aucune chance de décrocher quelques instants le temps de retrouver son calme et son contrôle. 

Je trouve ça incroyable qu'il ait pu continuer, qu'il en ait été capable.  J'en suis très fière. Il a surmonté ses peurs et son anxiété.  Les conséquences et l'après-choc ont été difficiles, mais il a réussi malgré tout.  Hier, avant de s'endormir, il m'a demandé d'en parler à sa psychologue.

Ce matin, il est calme.  Nous aurons une journée tranquille, sans grands remous, sans magasinage.  Une petite journée en pyjama. 

1 commentaire:

Maude a dit…

Bravo à ta sauterelle!