jeudi 22 décembre 2011

Éditorial du 22 décembre 2011

J'ai des parents engagés. En 1976, ils ont fait du porte à porte dans les rues de Cowansville pour faire élire le premier gouvernement péquiste. Je n'avais pas deux ans et déjà, ils me tiraient dans mon chariot rouge de maisons en maisons. Tous les deux, à des époques différentes, ont été représentants syndicaux. Ma mère a siégé au comité de parents de mon école. En plus, elle faisait partie du conseil d'administration de l'hôpital, puis ensuite, de la Caisse populaire. Et comme c'est aussi important d'investir dans un bon esprit d'équipe, mon père organisait pendant ce temps-là des activités pour le comité social de ce même hôpital. J'ai toujours eu des parents qui s'impliquaient.

Je me souviens d'une anecdote intéressante alors que j'étais au secondaire 2. Il faut d'abord que je vous dresse un portrait de la jeune adolescente que j'étais. Timide, trop timide même. Grande, mince, lunettes bleu ciel, longs cheveux bruns raides et plats (on est en 1988 ici, époque des gros cheveux et des gros toupets!). Je n'étais vraiment pas populaire, je n'avais pas d'amis, enfin j'en avais bien une ou deux, mais c'était plus pour les avantages qu'elles savaient tirer de moi. J'étais une première de classe, une vraie "nerd". Presque invisible en classe.

Un jour, alors que j'étais dans ma classe d'histoire, j'entends le directeur-adjoint demander à mon enseignant de m'envoyer dans son bureau. Trente paires d'yeux se sont tournés vers moi tout d'un coup. Qu'est-ce que je pouvais bien avoir fait qui me valait une visite chez le directeur. J'étais morte de peur, je ne comprenais pas ce que j'avais pu faire de mal.

Mais voilà... je n'avais rien fait de mal. Depuis le début de l'année, l'école avait décidé d'interdire l'accès aux corridors où il y avait des casiers pendant l'heure du dîner ce qui obligeait les jeunes à rester à la cafétéria où à l'agora. Pour une fille comme moi, ces deux endroits étaient désagréables, bourrés d'autres jeunes qui pourraient facilement se moquer de moi ou me lancer leurs déchets. M'asseoir contre mon casier et lire m'attirait beaucoup plus. Alors j'en avais parlé à mon père un soir. Et il m'a dit quelque chose que je n'ai jamais oublié. "Si quelque chose ne te plait pas, demande à ce que ça change avec des mots et des arguments." Il m'a encouragé à écrire une lettre à la direction, il m'a même offert son aide pour corriger les fautes. Et c'est ce que j'ai fait.

Ça n'a rien changé. Le directeur-adjoint n'est pas revenu sur sa décision, mais il m'en a expliqué les raisons. Il m'a remercié de la lettre et de mon initiative. Et moi, j'ai compris pourquoi c'était comme ça et je me suis trouvé un autre endroit pour lire.

Ça m'a appris la nuance. J'ai compris qu'il ne fallait pas juger au premier coup d'oeil, qu'il fallait plutôt tenter de comprendre le pourquoi, les raisons. Ça m'a aussi appris l'importance de parler. Celui qui se tait n'a pas le droit de chialer ensuite.

C'est pour ça que je vote. Je vote aux élections fédérales, provinciales, municipales et scolaires. Je ne suis pas une fédéraliste. Je ne suis pas non plus séparatiste. Je l'ai été en 1995 et avant. Je n'ai rien contre les rêves, et selon moi, le pays du Québec est un beau rêve. Mais appelez-moi une "éteignoir" si vous voulez, je crois qu'il y a des choses plus urgentes à régler avant de s'attaquer à la réalisation de ce rêve. Et quand ce sera le temps de voter à un référendum - si un jour c'est le temps - je prendrai une décision à ce moment-là.

Ce qui me met hors de moi en ce moment, c'est l'état de la politique dans ce pays. Tant au fédéral que provincial. D'un côté, on a une province qui multiplie les partis politiques et les chicanes, les divisions pendant que le parti au pouvoir s'engraisse à grands coups de corruption. De l'autre, on vit au royaume de l'arrogance et de la propagande alors que les autres partis doivent se relever des coups durs reçus alors qu'on leur enlève un peu les ressources pour le faire. Si vous n'y êtes jamais allés, allez sur le site Web sur parti conservateur. On n'y parle que de criminalité et d'armes. On se croirait vivre dans un pays où il vaut mieux ne pas sortir de la maison lorsque le soleil est tombé - et ici en décembre, ça veut dire 17 heures. Où il vaut mieux ne pas prendre sa voiture sans cacher sa carabine sous son siège de voiture. On a un parti au pouvoir qui a donné comme consigne à ses fonctionnaires de remplacer l'appellation "Gouvernement du Canada" par "Gouvernement Harper". On a un parti qui impose le bâillon aux discussions en Chambre, qui impose le huis clos aux comités. Le huis clos! Ce ne sont pas des questions de sécurité nationale lorsqu'on parle de langues officielles il me semble... Même chose pour l'exercice de réduction du déficit.

J'ai de la misère à comprendre le peu d'intérêt de la population. C'est notre pays, notre avenir. On a beau comprendre qu'on ne peut pas d'un coup arrêter l'exploitation de l'énergie "non propre", il faut savoir que c'est le temps maintenant d'investir dans la recherche, de préparer des plans de rechange. Ce sont nos enfants qui vont en souffrir sinon. Depuis près de cent cinquante ans, les droits des francophones continuent d'être respectés dans ce pays, malgré une minorité diminuant. Ce n'est pas assez certains diront et j'aurais tendance à être d'accord, mais ce premier ministre que nous avons a beau commencer tous ces discours en français, il a posé des gestes qui ne mentent pas sur l'importance qu'il donne à notre langue depuis sa majorité.

Dans certains pays, des gens risquent leurs vies pour aller voter. Littéralement. Ils se lèvent le matin et vont voter, même s'ils savent qu'ils pourraient mourir pour avoir eu le courage de mettre une croix sur un bout de papier. Ici, la moitié de la population ne s'en donne même pas la peine même s'il est facile d'aller voter.

Si seulement les journalistes politiques en demandaient autant de nos politiciens que nos journalistes sportifs en demandaient des Canadiens de Montréal. Il faudrait peut-être que L'Antichambre parle des décisions prises dans la Chambre des Communes. Que Le Match parle des échanges animés de l'Assemblée nationale. Qu'on fasse porter des chandails de couleurs avec noms et numéros aux députés.

C'est notre pays. Nous avons mis nos vies entre leurs mains, il me semble qu'on devrait s'intéresser un peu plus à ce qu'ils font. Nous avons droit de leur demander des comptes, de leur demander pourquoi ils prennent cette décision. Nous avons l'obligation de leur demander le respect. Ce n'est pas parce qu'ils ont été élus qu'ils n'ont plus à tenir compte de ce que nous pensons. Non?

En 2012, je prends la résolution de m'impliquer davantage.

2 commentaires:

André a dit…

Votre texte Stéphanie me fait grand bien car je croyais être seul à penser ainsi !!! Merci :)

Joyeuses Fêtes :)

IsaD a dit…

Bien vu et bien dit! J'adore ton idée de mettre des chandails avec numéro aux députés...ils seraient peut-être ainsi plus conscients de ce qu'ils font (et ce qu'ils ne font pas, surtout)! Une gang de moutons en Chambre, ça ne fait pas grand chose à part bêler et répéter les phrases-clé que leur a dicté le "Gouvernement Harper"!

Moi, je veux un député qui tienne à ses convictions et défende celles de ses électeurs; et surtout, je veux que mon pays change pour le mieux et non pour le pire! Oui, l'économie c'est important en ce moment, mais certaines décisions de ce gouvernement ne sont pas enlignées avec cette pensée qu'on nous répète ad nauseam... Il y a bien d'autres choses importantes aussi!