dimanche 4 décembre 2011

De quoi parle-t-on au juste?

Utiliser le pouvoir qu'on possède sur une autre personne pour arriver à ses fins, pour humilier, pour réaffirmer son propre pouvoir. Non, ça ne vient pas du Petit Robert, c'est de moi. Ma définition de l'intimidation.

Nouveau comme phénomène? Réservé à la cour d'école ou aux pages facebook?

Je pense aux religieuses qui frappaient les doigts de ma mère devant toute la classe parce que sa mère ne pouvait pas lui donner un dollar pour payer le livre de prières. Geste qui avait ses répercussions dans la cour d'école alors que toutes les autres petites filles la pointaient du doigt en la traitant de pauvre, et d'Anglaise en plus.

Ou à ce gars qui me suit direct dans le bumper sur la 307 pour que j'accèlère alors que je roule à 70 dans la zone de 60.

Ou encore à ce groupe de filles qui ridiculisent cette autre fille car elle porte des broches ou je ne sais quoi encore.

Ou encore à ce sous-ministre-adjoint qui me fait comprendre en m'enlevant ma promotion méritée que j'aurais tout intérêt à y penser à deux fois la prochaine fois que j'oserai le contredire.

De l'intimidation, il y en a partout. C'est vieux comme le monde et ça fait mal peu importe l'âge qu'on a. "Personne ne peut te faire sentir petit sans que tu lui en donnes la permission." Paroles sages de la grande dame qu'était Eleonor Roosevelt. Oui, mais, beaucoup plus facile à faire.

On ne guérit pas l'intimidation par l'intimidation. On ne fait que perpétuer la tradition.

Alors quelle est la solution? Je doute qu'elle se situe à l'Assemblée nationale. Je doute même qu'elle se situe au conseil d'administration d'une école secondaire.

Non, je crois que nous sommes tous responsables du problème et que c'est collectivement que nous pourrons y changer quelque chose. Surtout ceux qui comme moi, ont des enfants.

Élevons nos enfants d'abord. Élevons-les en citoyens. Enseignons-leur qu'ils sont extraordinaires, mais pas plus que les autres. Arrêtons de leur faire croire qu'ils sont plus importants que les autres. Chaque personne mérite notre respect. On mérite le respect de la part de chaque personne. Ce n'est pas à l'école qu'il faut apprendre ça. C'est à la maison, dès le premier jour de notre vie. C'est à la maison qu'il faut expliquer à notre fils que personne ne mérite de recevoir un coup de poing à la figure, ni lui, ni un autre.

Alors que je faisais un stage d'enseignement en secondaire 4, un jeune a tenté de m'envoyer un coup de pied au visage. Son soulier m'a à peine effleurée, mais le coup a été tout aussi fort. J'étais devant une trentaine de jeunes de son âge, j'avais vingt et un ans et j'étais au bord de perdre la face. Ça m'a tout pris pour rester calme, pour ne pas éclater en sanglots, mais j'y suis arrivée.

Le jeune a été suspendu et lors de la rencontre entre la direction, sa mère et moi, j'ai mangé tout un char de bêtises de la mère. C'était ma faute car je n'avais pas su me faire respecter. Qu'allait-elle faire maintenant avec son fils à la maison toute la journée pendant une semaine? Il allait vider son frigidaire et jouer au Ninento toute la semaine. Belle punition!

Comment voulez-vous qu'un jeune se remette sur le droit chemin quand il a un parent comme ça? Et pourtant on continue de suspendre les jeunes pour des gestes semblables.

Pas facile d'être parent. Non, pas facile quand notre fille fait une crise de larmes au magasin pour avoir un jouet de ne pas céder pour arrêter que tout le monde nous regarde. Pas facile non plus d'entendre son enfant pleurer parce qu'il est puni pour ne pas avoir obéi à une règle. Oh, ce serait tellement plus facile de baisser les bras, de laisser passer. Mais qui croyait que ce serait facile d'être parent?

C'est certain que l'école à un certain rôle à jouer. C'est important d'en parler avec les enfants, de leur expliquer ce que c'est, comment reconnaitre l'intimidation, comment réagir. Qu'on soit intimidé ou non, chaque enfant a son rôle à jouer. Quoi faire lorsqu'on voit un enfant qui est poussé dans la clôture? Quoi faire si on fait circuler des rumeurs sur la fille assise en face de nous dans le classe? Quoi faire si on apprend qu'une gang prévoit de donner une leçon au plus petit de la classe?

La prévention de l'intimidation, c'est à la maison que ça doit commencer. Et au primaire, ça doit continuer. Pourquoi ne pas inclure dans les curriculum scolaires des cours sur les média sociaux? Leur apprendre alors qu'ils sont jeunes? Parce que quand ils arriveront au secondaire, il y a de bonnes chances que ce soit trop tard. Ce n'est pas en arrivant au secondaire que tout d'un coup on devient intimidateur. en tout cas, ça m'étonnerait beaucoup.

Dans tout cette histoire qui fait couler bien de l'encre depuis une semaine, qui est-ce que je plains le plus? Je ne sais pas. Mais je doute que Jade mérite toute cette haine, toutes ces menaces. A-t-elle quelque chose à se reprocher? Peut-être. Mais deux filles qui se battent pour une histoire de garçon, ce n'est ni la première, ni la dernière fois que ça arrive. Maintenant, elle devra vivre avec le fardeau de la culpabilité. Avec en plus tous ces doigts pointés vers elle.

Il y a huit ans, mon cousin s'est suicidé. Sa copine venait de le laisser. Et le soir avant de mourir, il l'a appelée pour lui dire que ce qui allait arriver était de sa faute à elle. Elle a immédiatement appelé mon oncle pour l'avertir. Toute la nuit, mon oncle et mon père ont cherché mon cousin dans la ville pour finalement être accueillis par la police au petit matin. Le jour des funérailles, mon oncle a sorti de force la jeune fille, à peine sortie de l'adolescence, lui reprochant ce qui venait d'arriver.

Je crois que c'est injuste de faire porter le fardeau du suicide à un autre.

C'est tellement trop facile de pointer du doigt, de chercher des coupables, de s'indigner, d'exiger des changements. Mais c'est à nous de faire quelque chose, c'est ensemble que nous arriverons à quelque chose, pas avec une guerre de reproches.

1 commentaire:

Maman Tupperware a dit…

Tout est dit! J'approuve chaque mot de ce texte... Merci de l'avoir écrit!
Michelle