jeudi 22 octobre 2009

Elle s'appelait Sylvie

Elle était intense - très intense. Quand elle se lançait dans quelque chose, c'était à corps et âme. Pas de demi-mesure pour elle. Si elle avait eu une bonne journée, tout son corps nous le criait. Si, au contraire, elle avait été mauvaise, l'habitacle de ma voiture s'emplissait de sacres et de critiques. Je me taisais alors, sachant trop bien que ça ne servait à rien d'ajouter quelque chose.

De novembre à mars, parfois avril, quand la météo ne lui permettait plus de prendre son vélo, j'allais la chercher à la station service tous les matins. Rarement j'avais à l'attendre plus de deux minutes. Et je la voyais arriver avec un pantalon toujours plus coloré que le dernier.

Une trentaine de minutes dans la circulation le matin, quarante-cinq en après-midi. Si les Canadiens avaient joué la veille, elle me demandait des détails pour pouvoir en parler avec son fils le soir, parce qu'il aimait tellement ça et qu'elle n'y connaissait pas grand chose. On parlait de musique, de politique, d'actualité. Elle me parlait de ses enfants, de sa famille, de son travail. Elle me racontait ses voyages, ou les bonnes bouffes qu'elle préparait. Elle se confiait sur ses frustrations. Et m'écoutait...

Je l'ai connue il y a plus de 5 ans. Elle travaillait au même étage que moi et notre première conversation n'était pas la plus agréable. Je n'ai pas la langue dans ma poche, elle non plus. Nous n'étions pas d'accord.

Elle a changé de lieu de travail, je l'ai un peu oubliée.

Et il y a eu cet après-midi de décembre il y a près de 4 ans. Un coup de téléphone. Elle avait vu mon annonce sur le site de co-voiturage. Le soir même, elle est montée avec moi. Nous nous sommes reconnues au téléphone. Aucune rancoeur, notre désaccord passé ne faisait que nous confirmer notre respect mutuel. Il faut respecter ceux qui ont le courage de leur opinion. Et notre amitié est née.

J'étais séparée depuis peu. Je lui parlais de la difficulté à rencontrer quelqu'un et d'élever un enfant seule. Oui, je m'en confesse - il y a eu des séances de chialage contre l'ex. Des discussions à coeur ouvert. L'honnêteté et la franchise de part et d'autre. Une grande complicité.

Elle me trouvait raisonnable et rationnelle. Elle ne me voyait pas comme une personne extravertie et émotive. Je trouvais ça étrange car je me trouve très émotive. Mais c'est certain qu'à côté d'elle...

Au printemps dernier, quand je lui ai dit que mon voyage d'amoureux à Paris était annulé, elle m'a demandé pourquoi je n'y allais pas toute seule. Ben voyons donc, Paris toute seule, c'est ridicule! ... Pas si ridicule que ça finalement. Elle m'a convaincue d'y aller et en mars, j'ai acheté mon billet d'avion. Elle m'a montré que j'étais capable de faire quelque chose comme ça.

Elle était comme l'été. Avec ses soudains changements de température, ses orages, ses vents changeants. Avec son humidité collante, ses jours pesants, ses nuits fraîches. Elle était comme l'été ces belles journées ensoleillées où tout nous semble plus beau. Comme l'été des barbecues, des soirées sur le patio à rire trop fort en dérangeant les voisins et des bombes que l'on fait dans la piscine en éclaboussant tout le monde. On se souvient toujours de nos étés.

La croiser était la connaître. Elle ne portait pas de masque et elle nous faisait le cadeau d'elle-même. Elle avait le courage de ses convictions, l'humilité de ne pas croire tout savoir, la soif d'apprendre.

Les jours froids reviennent et je sais que les bouchons de circulation me seront plus pénibles sans sa présence dans la voiture.

Elle me manque tous les jours.

Je lui en veux d'être partie si tôt.

4 commentaires:

Rachel a dit…

Quoi ajouter?

(silence respectueux pour cette grande dame)

Anonyme a dit…

Je suis fière de toi Stéph...

Anonyme a dit…

magnifique. Tu as su décire ma mère tel qu'elle était et je ne peux m'empèché de pleurer en pensant au grand vide qu'elle a fait dans la vie des gens qui l'aimaient sincèrement. Je m'exuse en son nom par ce que lorsque qu'elle a posé se geste elle ne pensait pas à vous ses amis, elle prensait à elle seulement. Moi aussi je lui en veux. Je lui en veux parce qu'elle ne serait pas là pour moi dans les étapes importantes de ma vie. Elle ne sera pas la lorsque je vais gradué de l'université ou lorsque je vais me marié...

dans 2 jours je pars pour Rome. Je vais y déposé un peu de elle, dans cette ville qu'elle considérait comme la plus belle de tous.

Je t'aime maman

Anonyme a dit…

Le vide est toujours là. C'est une constante, comme la gravité, les saisons...Après près de 24 ans ensemble, nous allions divorcer. Trop de blessures, trop de plaies sans guérisons, à bout de souffle...Elle a raison, j'ai pas tort...C'était pas sensé finir comme cela...La douleur et la culpabilité seront toujours là...comme la gravité et les saisons.

J'ai une photo d'elle. Elle a 21 ans, jolie brunette avec ses yeux rieurs en amande. Elle porte une robe jaune, sur le bord du Saguenay. Elle est belle comme le moi de mai. Sur cette photo, rien ne laisse présager une telle fin.

La vie discontinue, malgré la gravité et les saisons.

Michel